Quelques images ou quelques moments fugaces, captés au cours du week-end …
Vendredi 1er juin 2018,
Il est sept heures, et vingt huit cyclistes sur la route qui s’élancent de Tournon … Départ pour un nouveau périple de trois jours cette année dans la Drome …
Le Vercors, déjà se dresse à l’horizon. Il est tôt. Quelques lambeaux de brume s’accrochent encore au flanc de ses falaises …
Un pont est franchi. Le Rhône, puissant et impérial s’écoule vers la mer … D’un côté c’est la Drome, de l’autre l’Ardèche …
Quelques kilomètres de plaine, puis devant nous le col des Limouches, et avec lui la route qui s’élève … Les cyclistes, un moment, se fondent même dans les nuages … Pour eux, comme une marche vers le ciel …
En équilibre sur le serpentin étroit de la route, ils grignotent la pente. Humbles et déterminés, ils progressent toujours. Pierrot n’est pas très loin. Donc rien ne peut leur arriver, ni ne peut les arrêter …
Au sommet du col : un univers minéral, une nature sauvage où l’homme se sent tout petit ; de vastes forêts de conifères, barrées parfois par d’immenses falaises blanches, avec des pics qui émergent comme les dents acérées d’une bête aux abois …
Puis tout à coup un panneau : « Col de la Bataille fermé ». Merde ! La déviation nous oblige à passer par Saint-Jean en Royan. Bref, il faut redescendre, et derrière tout remonter par un autre versant. Alors forcément une question qui se pose : les vélos peuvent-ils quand même passer ? Et le fourgon peut-il suivre dans la foulée ? Pierrot part en éclaireur pour jauger la situation. Arrivé sur place, la négociation s’engage : une rude bataille ! Le chef de chantier, d’abord se montre intraitable, puis brusquement se radoucit. Pierrot opiniâtre, fait valoir quelques bons arguments ! Il a ouvert la porte arrière du fourgon. Deux bouteilles de Rosé, jusque là tenues au frais, sont extirpées de la réserve : coût d’un laissez-passer arraché de justesse, et accordé à titre exceptionnel à des épicuriens qui ne manquent pas de savoir vivre ! Encore merci Pierrot.
Pour toute la troupe, le voyage continue. Et le programme initial, sera honoré …
Vassieux plus loin, dort dans le silence. Vassieux qui depuis la guerre, veille ses morts. Ceux qui un jour, ont fait don de leur vie pour repousser loin de nous des hordes barbares. Des croix blanches plantées dans la terre, s’érigent alignées dans une vaste prairie, et sont là pour nous le rappeler …
Puis arrive le col du Rousset et son tunnel qui perce la montagne et qui débouche à l’autre bout, sur un autre monde. Un monde qui s’ouvre sur d’autres horizons. Les montagnes de la Drôme provençale, sont là devant nous et s’étalent sous nos pieds. Elles embaument déjà des senteurs de lavande, de ces parfums qu’on ne trouve pas chez nous. Et même d’ici, on semble déjà entendre le cri des cigales. A moins que ce ne soit le cliquetis des roues libres des vélos ! Ici, Giono et sa plume ne sont pas très loin …
Die, tout au fond de la vallée, se distingue à peine. C’est pourtant là-bas que les cyclistes au cours de la prochaine nuit, trouveront le repos.
Fin du premier acte, et fermé de rideau … Petit entracte récréatif, avant la reprise du spectacle, et demain cap au sud vers d’autres horizons …
Samedi 2 juin 2018,
D’abord il y eut le col de Penne et sa route qui mène nulle part … Si ! Dans la montagne. Mille mètres d’ascension … tortillard qui serpente au milieu des arbres rabougris …
Le sommet franchi, plongée vertigineuse au fond de l’abime, où coule une rivière … Mince filet d’eau, fil ténu qui nous mène jusqu’à Saint Nazaire le désert. Saint-Nazaire, oui ! Le Désert, en effet ! Ici pas d’arsenal ni de docks, mais rien que le désert ! Et Pierrot qui œuvre pour notre survie ! Au menu : saucisson, vin rouge et encore bien d’autres denrées. Bref, tout ce dont des gaillards de notre trempe ont besoin pour se requinquer …
Le col des Roustans juste derrière, du coup est avalé d’une simple et seule bouchée …
De l’autre côté, Rémuzat et ses maisons de tuiles roses, se tiennent blotties tout au fond de la vallée. Rémuzat, l’été sous la fournaise ; Rémuzat et sa place, ses platanes, sent le midi à plein nez …
L’après midi, la troupe se sépare, scindée en deux groupes. Pour les uns, un crochet les fait grimper par le col de Soubeyrand. Nouveau sommet, autre vertige … vue sur le Ventoux … qu’on ne voit pas ! Aujourd’hui, par là-bas gronde l’orage … Pour les autres, un raccourci par la vallée de l’Eygue, qui par endroit se resserre en gorges profondes, permet de ménager les forces en vue de grimper encore …
La côte d’Eyroles, puis le col de valouse, ne sont pas à prendre à la légère. Cependant, tout le monde passe à son rythme, poursuivant sans problème sa route.
Dieulefit se profile déjà … Quelques furieux roulent à fond de cale. Deux cailloux, laissés là au milieu de la route, et Jérôme qui s’y fracasse dessus. Résultat : deux roues hors service, et l’homme heureusement indemne, mais qui faute de machine, reste en rade sur le bord du fossé … Pierrot qui veille bien sûr, reviendra le chercher et sera son dernier compagnon de route …
Puis arrive Marsanne et son monastère, où les cyclistes trouveront enfin le repos … repos mérité dans des chambres confortables, calme monacal et même paix retrouvée, après les quelques souffrance endurée au cours de la journée … Nuit réparatrice … et peut être même rédemptrice ! Mais pour cela, faudrait-il encore avoir, quelque chose à se reprocher …
Dimanche 3 juin,
Réveil matinal, et plus bas dans la plaine, encore un léger voile de brume … Quelques cloches sonnent au loin … Toute la troupe repart, reprenant sur la route sa lente procession …
Crest est en vue. Crest, et sa citadelle qui veille sur la ville … Il reste alors un dernier obstacle à franchir : un col juste au-dessus de Gigors. Ah ! La belle vacherie qui là se dessine, avec la route qui tout à coup se dresse comme la porte d’un pont-levis !
Réminiscence, souvenirs tout à coup qui reviennent, avec ici, une route jadis, qui fut le théâtre d’âpres combats … Grand Prix cycliste de la ville de Valence … 1983 … et un jeune coureur prometteur qui ce jour-là, marque les esprits … Un autre temps … une autre vie …
Retour au présent, et maintenant place à la plaine, la troupe est pressée de rentrer … Du coup, les grosses cylindrées mettent les gazes … voyage express … train d’enfer … circulez, rien à voir !
Et là, en un rien de temps, la boucle fut bouclée.
Denis, Confolent, 4 juin 2018